EXPRESSION CANTONAISE : « Hek dāk fú jūng fú, fōng wàih yàhn seuhng yàhn » - « Celui qui est capable d’avaler ce qui est de plus amer parviendra au sommet de la société. » 35 degrés Celsius, un taux d’humidité de 80%, un ciel plombé, pas un souffle de vent, l’orage couve. Néanmoins, bravant la moiteur, vous rejoignez vos compagnons de course à pied sur la piste d’entraînement de l’hippodrome de Happy Valley. Vous n’avez pas commencé à courir que vous transpirez déjà à grosses gouttes. Sans vous départir pour autant de votre sens de l’humour, vous lancez à vos camarades de souffrance : « Hek dāk fú jūng fú, fōng wàih yàhn seuhng yàhn », soit « Celui qui est capable d’avaler ce qui est de plus amer parviendra au sommet de la société. » La première partie de cet idiome, « Hek dāk fú jūng fú », décrit un supplice double. Synonyme de « goût amer », « d’épreuve », de « souffrance » et « d’épuisement lié à l’effort », le mot « fú » (苦) est renforcé par « jūng » (中) qui signifie « le milieu ». En d’autres termes, « pour atteindre le faîte de la pyramide sociétale » (« fōng wàih yàhn seuhng yàhn »), il faut être « capable de manger » (« hek dāk ») l’amer du cœur de l’amer, « fú jūng fú », c’est-à-dire l’amer le plus amer ! Rassurez-vous, en l’an 2024, la leçon de ce vieux proverbe chinois, soumise à l’épreuve du temps, n’est plus prise au pied de la lettre. S’imposer de souffrir le calvaire pour grimper les échelons de la société est un concept tombé en désuétude. Au lieu du calice de l’amertume, les jeunes Hongkongais s’autorisent à savourer leur boisson crémeuse préférée, le « Yuenyeung » (prononcée « yūn yēung », 鴛鴦), mélange de café, de thé noir, de lait concentré et de sucre. Chaud ou froid, ce breuvage se boit en famille, avec des amis ou au bureau, avec des collègues. Lors de cette pause gourmande, il n’est d’ailleurs pas rare d’entendre le mot « fú » de l’expression « sān fú léih la » (辛苦你啦), soit « merci pour votre travail pénible ». A Hong Kong, loin d’être perdue, la notion du « travailler très dur » (« hóu sān fú », 好 辛苦) continue d’être respectée, avec comme récompense à la clé l’espoir d’un mode de vie plus confortable. « On n’a rien sans rien, » conclurait-on dans la langue de Molière. Par EM à Hong Kong Photo : 28/05/2019 Piste de course de l’hippodrome de Happy Valley - ©Keih Saht Le Lexique : Hek : Manger 吃 Dāk : Pouvoir, être capable de, possible 得 Fú : Amer, épreuve, souffrance, épuisement lié à l’effort 苦 Jūng : Milieu, centre, cœur, noyau 中 Fōng : Ensuite, dans un second temps (qui peut se remplacer par « sīn » dans le langage courant) 方 Sīn : D’abord puis, premièrement ensuite 先 Wàih : Devenir (qui peut se remplacer par « jauh » dans le langage courant) 為 Jauh : Dans ce cas alors, dans ces circonstances, transformation en conséquence 就 Yàhn : Homme, une personne 人 Yàhn seuhng yàhn : Le plus haut placé dans l’échelle sociale 人上人 « Sān fú léih la » : « Merci pour votre travail pénible » 辛苦你啦 Sān : Goût âcre 辛 Léih : Tu, toi 你 Hóu : Bien, beaucoup, très 好 « Hóu sān fú » : « Travailler très dur » 好 辛苦 Yūn yēung : Boisson Yuenyeung, couple de canards mandarins 鴛鴦 Jongler avec les mots : https://www.keihsahtle.com/jongler-avec-les-mots.html
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Janvier 2025
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Expression cantonaise
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