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EXPRESSION CANTONAISE : « Gwa yèuhng tàuh, maaih gáu yuhk » - « Accrocher une tête de mouton, vendre de la viande de chien » De retour d’excursion, vous souhaitez vérifier que le bracelet onéreux vert foncé que vous venez d’acheter est effectivement en jade de Lantian (Làahm tīn yuhk, 藍天玉). Par acquis de conscience, vous vous rendez chez votre bijoutier local de confiance. Sortant sa loupe, celui-ci l’observe pendant quelques minutes puis vous informe, navré, que le bijou est sans doute en agate mousse. De plus, afin de s’assurer que la pierre est naturelle, qu’elle n’est pas colorée chimiquement et par conséquent non nocive pour la peau, le professionnel vous conseille de l’envoyer tester au laboratoire. Le joaillier hongkongais a l’air sincèrement désolé de vous informer que vous avez été victime d’une supercherie. Des vendeurs de pacotille vous ont « fait prendre des vessies pour des lanternes » en « gwa yèuhng tàuh, maaih gáu yuhk » (掛羊頭,賣狗肉), énoncé traduit mot à mot par « accrocher une tête de mouton, vendre de la viande de chien ». « Gwa » et « maaih » signifient respectivement « accrocher » et « vendre ». « yèuhng tàuh » désigne la « tête de mouton ou de chèvre » et « gáu yuhk » la « viande de chien ». Le tableau est cocasse. Cette expression idiomatique indiquant qu’il y a duperie, que quelque chose a été vendu en le faisant passer pour autre chose, a de quoi chatouiller l'imagination. Si la scène dépeinte semble réaliste, celle-ci ne décrit nullement la réalité. Une mise au point s’impose, « Gwa yèuhng tàuh, maaih gáu yuhk » ne fait guère référence à l’existence d’un marché légendaire de la viande canine. A Hong Kong, aucune enseigne n’aurait l’idée de servir la chair de cet animal élevé au rang de compagnon familial. Chéris par toutes les tranches d’âges, les canins sont choyés. Une étude datant de février 2025 réalisée par la City University of Hong Kong (CityUHK Scholars) relate, qu’au Port au Parfum, la motivation principale d’adopter cet attachant descendant du loup est de bénéficier d’une compagnie domestique (pour 41,5 % des 685 habitants de Hong Kong répondants à l’enquête). La seconde raison de l’accueillir chez soi est de lui procurer un toit (30,9 % des réponses). La plupart d’entre eux viendraient « de source non commerciale », des amis, du voisinage, des abris, des refuges pour animaux abandonnés. Traités comme des membres de la famille, certains toutous jouissent même de l’accompagnement d’une auxiliaire attitrée. Il est vrai cependant que les Hongkongais dotés d’ancêtres issus de la région de Canton, ont pu entendre cette formule : « Gáu yuhk gwán léuhng gwán sàhn sīn kéih mh wán » (狗肉滾兩滾神仙企唔穩) soit « La viande de chien deux fois bouillie, les divinités ne se tiennent plus debout, » sous-entendant que le fumet de ce mets est si appétissant qu’il a le pouvoir d’enivrer les immortelles, ces créatures célestes taoïstes (sàhn sīn, 神仙) pourtant réputées végétariennes. Dans l’ancien temps, les agriculteurs n’avaient pas les moyens de consommer du bœuf, entièrement consacré au labour, ni du cochon à cause de sa cherté. Plus facilement accessible, la race canine était bien plus pratique à cuisiner. Depuis lors, les régions agricoles se sont modernisées, enrichies, la gastronomie s’est modifiée. Aujourd’hui, la province cantonnaise ne compte plus que quelques restaurants de viande de chien. La vieille tradition survit encore dans la province de Guangxi - les chiens n’en finissent pas d’y vivre une vie de chien - avec, à l’occasion du solstice d’été, « La fête du litchi et de la viande de chien » de Yulin. De plus en plus controversé, ce festival est proche de l’extinction. Si chaque pays hérite d’un art culinaire propre à son histoire et à son terroir, l’arnaque, quant à elle intemporelle, demeure universelle. Afin d’éviter le piège du « gwa yèuhng tàuh, maaih gáu yuhk », mieux vaut vérifier l’authenticité de toute chose, même si cette tâche requiert de se donner un mal de chien. Par E.M. à Hong Kong Photo : 21/10/2025 Wing Lee Street Rest Garden, Mid-Levels - ©Keih Saht Le Point de rencontre matinal des chiens du quartier dans l’ère piétonne de Wing Lee Street Lexique : Làahm tīn yuhk : Jade de Lantian 藍天玉 Yuhk : Jade 玉 Gáu : Le chien 狗 Yèuhng : La chèvre, le mouton 羊 Tàuh : La tête 頭 Yuhk : La viande 肉 Gwa : Accrocher 掛 Maaih : Vendre 賣 Gwán : Bouillir 滾 Kéih wán : Tenir debout 企穩 Mh : Expression de la négation 唔 Sàhn sīn : Créature céleste, Immortelle, divinité 神仙 Jongler avec les mots : https://www.keihsahtle.com/jongler-avec-les-mots.htm
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EXPRESSION CANTONAISE : « Yāt baahk jē sāam cháu » - « Le blanc cache les imperfections » En ces jours d’automne, vous faites tout pour entretenir votre teint hâlé, ravivé récemment grâce à une exposition aux embruns marins, à l’occasion d’une sortie improvisée en jonque opportunément ensoleillée. Vous entrez dans un magasin de cosmétique en quête d’une crème après-solaire dans l’optique de maintenir cette mine dorée qui vous sied à merveille - vous en êtes convaincue - le plus longtemps possible. Le stock de soins prolongeant le bronzage est épuisé, affirme la vendeuse. Celle-ci observe votre peau d’un peu plus près puis vous tend, tout de go, une crème de beauté blanchissante accompagnée d'un fond de teint blanc. Remarquant votre air interloqué, celle-ci vous explique qu’en général, d’un point de vue esthétique, l’affichage d’une carnation blafarde est plus en vogue. A Hong Kong, on dit : « Yāt baahk jē sāam cháu » (一白遮三醜), littéralement « Un blanc cache trois laideurs, » signifiant que « la couleur blanche masque les imperfections. » Si ce vieil adage ne parvient pas à vous convaincre de la beauté d’un visage laiteux bien talqué, pour empêcher votre peau de brunir naturellement, il ne vous reste plus qu’à vous procurer l’un des nombreux accessoires de protection contre le soleil vendus au Port au Parfum. Vous n’aurez que l’embarras du choix, entre les parapluies anti-ultraviolets, la multitude de modèles de chapeaux à bord large, de casquettes à longue visière avec cache-cou amovible, etc. Pour vous protéger intégralement, testez les mitaines ou les gants longs, ainsi que le très en vogue « maillot de bain pour le visage », couvrant toute la figure en ne comportant que quatre ouvertures étroites (pour les yeux, le bas du nez et la bouche). Camouflant aussi le cou, cet accoutrement dédié à la nage, des plus efficace, est appelé par les Hongkongais tantôt « facekini », tantôt « líhmkini » (líhm, 臉, pour « visage ») ou, en Cantonais, « líhmgēinèih » (臉基尼). Déboussolés car peu habitués à la contemplation de ces cagoules composées de polyester et de spandex, les raisonneurs pourraient être tentés de conclure qu’il s’agit, finalement, de combattre une forme de laideur par une autre. Répondons-leur toutefois que la hideur, qui se prononce « cháu » en claquant rapidement la langue d'un coup sec contre son palais, comme pour suggérer un mouvement de répulsion, demeure bel et bien un concept subjectif. Par ailleurs, suivant le contexte, « cháu » peut s’écrire de deux façons, soit 醜 en caractère chinois traditionnel pour traduire « mocheté, défaut, imperfection, disgracieux », soit 丑 en caractère simplifié pour se référer à la « branche terrestre du Bœuf » (丑) du Feng Shui (« Fūng Séui » en Cantonais, 風水), discipline ancestrale chinoise très influente à Hong Kong. ( Lire : https://www.keihsahtle.com/accueil/entrevue-avec-raymond-lo-grand-maitre-feng-shui ) Pour mémoire, les onze autres branches terrestres sont celles du Rat 子, du Tigre 寅, du Lapin 卯, du Dragon 辰, du Serpent 巳, du Cheval 午, de la Chèvre 未, du Singe 申, du Coq 酉, du Chien 戌 et du Cochon 亥. Par ricochet, « Cháu » s’écrit en caractère simplifié s’il se rapporte à « cháu sìh » (丑時), la période de temps de deux heures allant d’une à trois heures du matin dans le calendrier chinois lunisolaire : Selon ce système de mesure, de même qu’il existe douze signes astrologiques, la journée se divise en douze intervalles de temps. « Jí sìh » (子時) en est le premier : Commençant à 11 heures du soir, il s’achève à une heure du matin. Au lieu de compter les moutons, s’amuser à réciter dans l’ordre le nom des douze tranches de la journée (voir ci-dessous) peut favoriser l’endormissement : Un vrai sommeil réparateur n’est-il pas la garantie du renouvellement cellulaire propice à l’entretien d’une peau de pêche, économisant ainsi le coup de crayon correcteur blanc. Par E.M. à Hong Kong Photo : 28/08/2021 Deep Water Bay - ©Keih Saht Le Une personne portant un « facekini » s’apprêtant à aller nager. Calendrier chinois lunisolaire, douze périodes de temps par jour : Jí sìh 子時 : 11h du soir à 1h du matin Cháu sìh 丑時 : 1h à 3h du matin Yàhn sìh 寅時 : 3 h à 5 h du matin Máauh sìh 卯時 : 5h à 7h du matin Sàhn sìh 辰時 : 7h à 9h du matin Jih sìh 巳時 : 9h à 11h du matin Ngh sìh 午時 : 11h du matin à 1h de l’après-midi Meih sìh 未時 : 1h à 3h de l’après-midi Sān sìh 申時 : 3h à 5h de l’après-midi Yáuh sìh 酉時 : 5h de l’après-midi à 7h du soir Sēut sìh 戌時 : 7h à 9h du soir Hoih sìh 亥時 : 9h à 11h du soir Lexique : Fa jōng : Maquillage 化妝 Chàh : Appliquer une lotion ou du maquillage 搽 Sèuhn gōu : Rouge à lèvre 唇膏 On peut aussi dire háu hùhng (口紅), mais ce mot est peu utilisé à Hong Kong. Sèuhn : Lévre 唇 Gōu : Créme, graisse 膏 Háu : Bouche 口 Hùhng : Rouge 紅 Fán : Poudre 粉 Fán dái : Fond de teint 粉底 Dái : Base 底 Facekini, líhmkini, líhmgēinèih : Maillot pour le visage 臉基尼 Líhm : Visage 臉 Gēi : Base, fondation, basique 基 Jongler avec les mots : https://www.keihsahtle.com/jongler-avec-les-mots.htm
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Archives
Octobre 2025
Mots-clés :
Expression cantonaise
Exposition Musée Artiste Feng Shui |
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