ENTREVUE : Débordante de vitalité, rayonnante d’énergie communicative, Prof. Michelle Law Pui Man s’est entretenue avec Keih Saht Le afin d’expliquer les principes de la médecine chinoise traditionnelle qu’elle pratique. Elle expose aussi pourquoi cette discipline se destine à bénéficier d’un fort développement au Port au Parfum. Docteur en médecine traditionnelle chinoise, Prof. Michelle Law Pui Man exerce actuellement dans deux cliniques privées de Hong Kong, au Vitality Center et à la Heal Fertility. Elle est également professeur adjoint au Centre pour l’éducation et la promotion de la santé (« Center for Health Education and Health Promotion ») de la Chinese University de Hong Kong. Introduction Renaissance et modernité Ces jours-ci, les herboristeries fleurissent aux quatre coins de Hong Kong. Fournissant des plantes utiles à la concoction de remèdes naturels, elles attirent de plus en plus de monde. Les habitants de la ville redécouvrent les bienfaits de la médecine traditionnelle chinoise (« Traditional Chinese medicine », TCM) depuis les années de la pandémie de Covid-19. Nombre d’entre eux estiment qu’elle les a aidés à renforcer leurs défenses immunitaires, à se soigner plus vite des virus, à se débarrasser, par exemple, de toux dont les médicaments de la médecine dite moderne n’arrivaient pas à bout. Ce regain d’intérêt pour la TCM est amplement encouragé et accompagné par le gouvernement hongkongais. Le tout neuf Chinese Medicine Hospital de Hong Kong (Chinese Medicine Hospital of Hong Kong, CMHHK), situé au 1 Pak Shing Kok Road (Tseung Kwan O), va bientôt ouvrir ses portes. Celui-ci prodiguera des services hospitaliers et ambulatoires subventionnés par l'État tout en se livrant à des missions de formation, d'éducation et de recherche. Dans cette optique, il collaborera avec les universités et établissements d'enseignement de Hong Kong, de Chine continentale et de l'étranger dans la recherche clinique et le développement de médicaments chinois brevetés. Illustrant sa volonté d’internationalisation, le CMHHK a signé un accord de collaboration stratégique avec la TCM-Klinik Bad Kötzting (TCM-KBK) d’Allemagne en janvier dernier. Un autre vecteur de sensibilisation à la TCM a été le lancement du premier Hong Kong Chinese Medicine Culture Festival, de décembre 2024 à février 2025, au cours duquel s’est déroulé tout un éventail d’activités, des consultations gratuites, de multiples conférences. Entretien avec Prof. Michelle Law Pui Man, docteur en médecine chinoise traditionnelle Comment votre parcours vous a-t-il conduit à la médecine chinoise ? L’une des étapes décisives de mon cursus a été lorsque j’ai décidé de me spécialiser en médecine chinoise traditionelle (TCM), rejoignant l’Ecole de Médecine Chinoise (School of Chinese Medicine) de la Chinese University of Hong Kong (CUHK). A l’époque, j’ai fait ce choix plus par pragmatisme que par enthousiasme. C’était juste après la rétrocession (en 1997) à la Chine, tandis que le gouvernement dotait, pour la première fois, la médecine chinoise d’un statut et d’un cadre légal. Ce faisant, le Conseil de la médecine chinoise (« Chinese Medicine Council of Hong Kong ») a été installé sous l’autorité du Département de la Santé du gouvernement de la Région Administrative Spéciale de Hong Kong. J’ai pensé que cette initiative contribuerait à la multiplication des opportunités professionnelles. J’avoue que les premières années de spécialisation ont été ardues : Je me trouvais souvent en conflit avec moi-même, tant la philosophie à la source de la médecine chinoise diffère des concepts de la science moderne que j’avais appris initialement. Puis, lors des stages effectués en clinique au cours de mes troisième et quatrième années à la CUHK, j’ai été impressionnée par les résultats obtenus sur les patients. Définitivement conquise, je me suis passionnée pour cette matière. Quelles sont vos spécialités ? Mon doctorat en médecine familiale a porté sur l’acné vulgaire induite par un déséquilibre hormonal. A l’origine, je pensais devenir dermatologue. J’ai aussi développé un intérêt pour la fertilité (médecine reproductive) et ai été professeur adjoint du département d'obstétrique et de gynécologie de la Chinese University de Hong Kong. Je continue de participer à l’élaboration de protocoles de recherche, mais en qualité de professeur adjoint au Centre pour l’éducation et la promotion de la santé (« Center for Health Education and Health Promotion ») de la Chinese University de Hong Kong. C’est la pratique de la TCM au Vitality Center, clinique dédiée aux méthodes de guérison naturelles, rejointe depuis plus de 16 ans, qui occupe le plus clair de mon temps. Depuis peu, j’exerce aussi à la clinique privée Heal Fertility, qui propose de l’acupuncture et de la médecine chinoise à base de plantes aux patients bénéficiant de services de procréation assistée. Quelle est la différence entre la médecine chinoise traditionnelle et la médecine dite moderne ? La différence majeure est la philosophie fondatrice. Celle-ci se base sur les écrits du « Yijing » (« Yihk gīng » en Cantonais, 易經), soit le « Livre des changements », ouvrage constitué sous le règne de l’Empereur Jaune qui aurait vécu de 2 697 à 2 598 avant Jésus Christ. Selon cette pensée millénaire ainsi transcrite, le « Qì » (« Hei » en Cantonais, 氣) constitue la force fondamentale présente dans tout être vivant. En termes scientifiques, il s’agit de bioélectricité intelligente circulant dans notre corps, responsable de la conduite et de la régulation de tous les fonctionnements corporels. Ce souffle de vie circule via ses méridiens (réseau invisible et immatériel), influencé en permanence par les énergies Yin (陰)et Yang (陽), se rapportant respectivement au féminin et au masculin, au froid et au chaud, à la détente et à l’excitation, etc. Interdépendantes et complémentaires, comme la nuit et le jour, ces deux polarités sont en mouvement constant. Pour simplifier, la mission du docteur en TCM est de rétablir la circulation adéquate du Qi ainsi que l’équilibre entre le Yin et le Yang. Le praticien ne prête pas seulement attention aux symptômes de la maladie à soigner. Il tient compte du bien être global de son patient. L’avantage de cette méthode personnalisée est de déceler les racines initiales du mal, de les traiter en profondeur, puis de créer, à la longue, un terrain favorable à des guérisons de long terme. C’est pourquoi, ici à Hong Kong, nous sommes convaincus que la TCM et la médecine moderne occidentale sont parfaitement complémentaires. Quels sont les piliers de la médecine chinoise ? L’acupuncture, la phytothérapie, les massages thérapeutiques (le « tuī ná », « tēui nàh » en Cantonais, 推拿), les exercices énergétiques (le « qìgōng », « hei gūng » en Cantonais, 氣功) et le mode de vie, dont la diététique. Comment définissez-vous l’acupuncture ? L’acupuncture est une stimulation externe de points spécifiques du corps, en l’occurrence sur les méridiens, via de fines aiguilles, afin de provoquer une réaction propice à un rééquilibrage de la circulation du Qi, du Yin et du Yang. L’acupuncture est utilisée à la fois de manière préventive et pour soigner. Les potions en poudre prescrites sont-elles entièrement végétales ? Seulement 3 % des remèdes prodigués ne sont pas végétaux. Ces 3 % en question sont composés de minéraux et de substances animales. Par exemple, l’exuvie de cigale et le ver de terre sont utilisés pour traiter l’asthme. Le Cordycep, champignon qui se développe sur des larves d'insectes, peut se prescrire pour réguler l’immunité. Notons qu’à Hong Kong, il est absolument interdit de vendre des composants contenant de la bile d’ours ou du pangolin. Très strict, le Département de la Santé effectue des contrôles régulièrement, tant des herbes fraîches que des poudres vendues. Leurs fournisseurs doivent détenir la licence GMP (« Good Manufacturing Practice »). Pour l’instant, la plupart des végétaux dédiés aux potions concoctées à Hong Kong sont originaires de la Chine continentale. Afin de répondre à la croissance de la demande, une diversification des sources d’approvisionnement, en particulier organiques, serait souhaitable. Quel aliment aide-t-il à évacuer le trop plein d’humidité de son organisme, à l’époque de la saison chaude des grandes pluies au Port au Parfum ? Le thé de soie de maïs (sans caféine), au potentiel diurétique, combat la rétention d’eau en évacuant les toxines nuisant à notre organisme. L’avantage de la barbe de maïs est d’être neutre, c’est-à-dire de ne pas modifier notre propre équilibre du Yin (froid) et du Yang (chaud). En TCM, les aliments sont considérés comme des remèdes. Par exemple, si notre corps comporte trop de Yin, il sera conseillé d’absorber des aliments qui réchauffent, comme le potiron, le poulet, les crevettes, etc. En revanche, si notre corps contient un surplus de Yang, il sera recommandé de choisir des aliments qui refroidissent, tels la pastèque, les pousses de soja, le blanc d’œuf, etc. Quels échanges existent-ils entre Hong Kong et la Chine continentale en matière de médecine chinoise ? Les échanges tissés entre Hong Kong et la Chine continentale sont multiples. Des stages d’étudiants sont organisés régulièrement dans les hôpitaux du Continent spécialisés en TCM. Lors de mes études, j’ai moi-même suivi ces stages de 15 mois à Shenzhen et à Canton. Pendant la pandémie de Covid-19, des universitaires de Chine continentale ont visité Hong Kong à plusieurs reprises dans le cadre d’échanges d’expériences en matière de gestion d’épidémie. Il existe aussi de nombreux partenariats de recherche entre hôpitaux et universités. Dans quels domaines la recherche en médecine doit-elle être encouragée ? J’espère que l’ouverture prochaine du Chinese Medicine Hospital de Hong Kong (Chinese Medicine Hospital of Hong Kong, CMHHK) jouera un rôle de catalyseur d’accélération de la recherche. Ce serait formidable si les domaines privilégiés étaient les traitements des cancers, des maladies cardiovasculaires, du système immunitaire (maladies auto-immunes), la fertilité. La TCM pourrait en outre apporter des réponses personnalisées à l’obésité qui peut, dans certains cas, s’expliquer par un trop plein de stockage d’humidité et de toxines dans l’organisme. Quoi qu’il en soit, l’ouverture prochaine du CMHHK est une excellente nouvelle, susceptible d’offrir l’accès à la TCM au plus grand nombre. *La médecine chinoise traditionnelle (TCM) s’avère efficace pour soigner toute une palette de maladies et de désagréments : à cet égard, l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) cite les lombalgies, les maux de tête, l'hypertension artérielle, les accidents vasculaires cérébraux, la paralysie faciale comme la paralysie de Bell, l'insomnie, le rhume des foins, la dépression et l'acné. Le recours à la TCM est de plus en plus fréquent pour soulager les femmes en convalescence post-partum, des symptômes du syndrome prémenstruel et de la ménopause. Il est courant que les patients ayant subi une chirurgie occidentale ou des traitements contre le cancer (radiothérapie, chimiothérapie) soient traités par acupuncture, massage ou par des plantes, afin d’atténuer la douleur, réduire les effets secondaires des traitements lourds et accélérer leur rétablissement. Pour approfondir : Chinese Medicine Council of Hong Kong https://www.cmchk.org.hk/index_en.html Hong Kong Chinese Medicine Culture Festival https://www.hkcmfest.gov.hk/en/ Par EM à Hong Kong Entrevues : https://www.keihsahtle.com/entrevues.html
1 Commentaire
sylviane MRS MURGUET SYLVIANE
5/23/2025 12:58:54 am
super!!!
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Juin 2025
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